4. déc., 2011

1978 - JASMIN, tsigane de Slovénie.

 Les voyages s’accomplirent d’eux –mêmes.  Nous parcourûmes  l’Ecosse puis l’Irlande. L’air y était pur, les cascades troublantes par leur beauté fugace, le saumon avait le goût d’un autre monde, des hommes portaient kilts et tartans, Jasmin essaya de souffler dans une cornemuse.

L’Ile de Skye nous fit l’honneur d’accueillir notre amour.

 Puis, retour en France.

Je lui racontais ce que je croyais enfoui dans ma mémoire.

La classe de neige

L’odeur de soupe aux légumes dans le réfectoire

Les contes de fées

La Loire, qui prend sa source au Mont Gerbier De Jonc

La Seine au Plateau de Langres

Et la Garonne au Mont du Toro.

Elle m’avait livré le froid de la steppe, la mort du vieux cheval,

Le tremblement de terre à Skopje,

Les morts, les blessés,

Le traumatisme,

Elle avait cinq ans.

Son éblouissement à Dubrovnik

Les couleurs de l’Adriatique,

Lueurs de réverbères à Prague

Les rires de Barbe Bleue.

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Elle présentait dessins et toiles à des éditeurs bidons qui lui promettaient monts et merveilles.

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C’était la rentrée à l’université. L’université était une vieille école avec une cour et des arcades. Aux sous-sols se trouvaient des laboratoires poussiéreux et mal aérés d’où flottait une médicamenteuse odeur de soufre. Nous y apprenions à couder des tubes, et la structure des cristaux rhomboédriques. Tous les étudiants devaient être très sérieux, attentifs, et protéger leurs yeux avec des lunettes. Il fallait manipuler vite et bien, ce que je n’ai jamais su faire. Je cassais tout le matériel. Je sortais du laboratoire à midi, j’avais soif et la migraine.

J’étudiais. Je ne savais pas pourquoi j’étudiais cela. J’étudiais des pages entières de botanique, des livres de chimie, des planches d’anatomie. Je manipulais scalpels et burettes, qui malencontreusement tremblaient bien trop dans mes mains. J’étudiais des nuits entières.

 Je n’allais plus au musée.

 Je me plongeais dans les structures de l’acide désoxyribonucléique, et la synthèse de l’oxydibromomercurifluorescéïne n’avait plus de secret pour moi.

Dans les amphithéâtres immenses, je prenais des notes, comme mes camarades. Mais très vite, mes pensées s’évadaient loin des quelques pastilles de potasse et des paillasses carrelées approximativement.

 Pendant ce temps, Jasmin achevait de traduire Les  Frères Karamazov  du russe en serbo-croate.

 Galatée Galerie, boulevard du Montparnasse lui avait pris deux toiles.

 L’une représentait un cheval au visage implorant au milieu d’un tas de ferrailles dans la ville inondée. J’étais heureuse qu’elle ne fût  plus  chez moi, car de l’avoir sous mes yeux au réveil me rendait infiniment triste.

L’autre parlait du sentier qui mène au manoir de Hythe, elle était bien plus récente.

 Elle avait loué une toute petite chambre dans les taudis de la rue Vercingétorix, qui actuellement n’existent plus. Depuis le boulevard Pasteur, on a vu s’ériger l’immeuble de Bofill, immense.

 Ses toiles représentaient des paysages marins, adriatiques, ensoleillés, et parfois désolés.

Et puis à nouveau, on y voyait des villes qui succombaient à des tremblements de terre ; Seul,  un vieux cheval survivait et regardait le spectateur d’un air implorant.

  Mais parfois aussi, les couleurs acryliques explosaient dans tous les sens, quelle pureté et quelle joie !

Derniers commentaires

31.12 | 16:15

Merci à toi! Bonne année !

gmail

31.12 | 15:50

31 Décembre 2921 16h
Merci pour les textes et les oeuvres aussi diverses que variées.
Un plaisir renouvelé chaque année.
A l'année prochaine dans 8h !!
🦔

10.01 | 23:26

Des écritures émouvantes, des toiles qui invitent aux voyages, la tendresse du mot et du trait sans cesse renouvelé.
Il y a toujours a découvrir.
Merci.

21.03 | 11:49

Heureuse de découvrir votre site. Il me plaît.
Hilda Damman

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